Roman inspiré de la vie de l’auteur, ou roman de formation, dans lequel Tristan L’Hermite (1601 – 1655) évoque sa jeunesse. Il entre très jeune à la cour d’Henri IV, comme page du fils naturel du Roi de France, et mènera une vie aventureuse.
Ici un passage en version originale. On peut aussi trouver des éditions en français moderne.
… mais mon mauvais destin voulut que je fisse connaissance avec un certain Page le plus malicieux, et le plus fripon de la Cour. J’ay sujet de croire que ce fut l’organe dont se servit mon mauvais génie pour me tenter et me destruire. Ce mauvais Demon travesty sceut interrompre par son artifice le cours heureux de mes estudes, en me montrant secretement les subtils preceptes d’un art qui ne tend qu’à damner les ames. Ce fut luy qui m’apprit le premier l’usage des dez et des cartes ; et qui se servant de mon innocence pour s’emparer du peu d’argent que j’avois, me fit folement piquer du desir de reparer mes pertes, et m’engager toûjours plus avant dans le malheur, par les instigations d’une trompeuse et fole esperance. Il m’imprima de telle sorte cette passion, qu’elle se rendit bien-tost égale à celle que j’avois pour l’estude, et à quelque temps de là l’on ne me pouvoit gueres surprendre sans avoir des dez dans mon écritoire, et des cartes parmy mes livres : et mesme ce déreglement alla si loin, que je me defaisois souvent pour joüer, des choses qui m’estoient necessaires pour apprendre, et que de tous les livres que j’avois accoustumé de feüilleter, il ne me restoit plus rien que des cartes. Nostre Precepteur ne fut pas longtemps à s’aviser de mes débauches ; mais il luy fut impossible de m’en retirer : il employa vainement ses verges et ses preceptes sur ce sujet ; le mal estoit desja trop enraciné. Je promettois souvent de ne joüer plus, les larmes aux yeux, mais dés qu’il m’avoit perdu de veuë, j’avois trois dez, ou une paire de cartes entre les mains.