La Maison aux sept pignons – Nathaniel Hawthorne

Ce roman de l’auteur américain, Nathaniel Hawthorne (1804 – 1864), est celui d’une vieille famille du Nord-Est des États-Unis, c’est aussi l’histoire d’une grande demeure familiale hantée par un lourd passé.

Ici, Phœbé, une jeune femme, rend visite à sa cousine, Hepzibah qui vit seule dans « la maison aux sept pignons » . Phœbé passe sa première nuit dans une des chambres, longtemps inhabitée.

Précipitant ses pas sur l’escalier criard, dont aucun tapis ne protégeait les marches usées, elle glissa dans le jardin, cueillit quelques-unes des roses les plus intactes et les rapporta dans sa chambre.

La petite Phœbé possédait au plus haut degré le don des arrangements intérieurs, patrimoine exclusif de certaines personnes. C’est une espèce de magie naturelle qui permet à ces élus d’extraire, de tout ce qui les entoure, l’agrément caché, l’utilité secrète ; et plus spécialement de donner un aspect de confort à tous les lieux qu’ils habitent, si bref qu’y puisse être leur séjour. La hutte la plus sauvage, hantée par les voyageurs qui traversent une forêt vierge, prendrait un aspect hospitalier pour avoir abrité pendant une seule nuit quelqu’une de ces femmes douées ; et il se conserverait longtemps après la disparition de cet être si calme sous l’ombre épaisse des futaies voisines. Il fallait une bonne dose de cette sorcellerie domestique pour transformer, en quelque chose d’habitable, cette chambre de Phœbé où personne n’avait logé depuis si longtemps, — sauf les araignées, les rats et les fantômes. Comment elle s’y prit, nous ne le saurions dire. Aucun dessein préconçu ne se manifestait chez elle ; mais tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, promenant ses mains agiles, ici elle mettait un meuble en pleine lumière, là-bas elle en repoussait un autre dans l’ombre, relevait ce rideau, laissait tomber le voisin, et avait fini, au bout d’une demi-heure, par communiquer une espèce de sourire hospitalier à ce vieux taudis de mine si sombre, si rechignée, et qui rappelait à tant d’égards le cœur inhabité, refroidi, de la maîtresse du lieu.
Puis il y eut là comme un exorcisme. L’antique chambre à coucher avait dû servir de théâtre à bien des épisodes divers de la vie humaine. De jeunes époux y avaient sans doute échangé leurs soupirs d’amour ; nés à l’immortalité, maints petits êtres vagissants y avaient aspiré leur premier souffle ; maints vieillards y avaient rendu leur âme à Dieu. Mais, — soit l’influence des roses blanches ou de par tout autre charme subtil, — la chambre à coucher, — tout à coup purifiée, tant du mal ancien que des douleurs anciennes, par l’haleine parfumée et les pensers sereins de la jeune fille, — revêtit en quelque sorte une virginité nouvelle. Ses rêves radieux, pendant la nuit qui venait de s’écouler, avaient dissipé les ombres passées, et à leur place maintenant peuplaient, fantômes riants, la pièce où elle était installée.
L’ordre établi comme elle le voulait, Phœbé sortit encore de la chambre pour descendre au jardin, où l’attirait le souvenir de quelques fleurs perdues çà et là dans le désordre luxuriant d’une végétation livrée au hasard. Mais, sur le palier, elle rencontra Hepzibah qui la fit entrer dans ce qu’elle eût appelé son « boudoir », si ce mot français eût fait partie d’un vocabulaire exclusivement américain. Il y avait dans ce cabinet retiré quelques vieux volumes, un panier à ouvrage, une écritoire poudreuse ; il y avait aussi, contre l’un des panneaux, un grand meuble noir d’apparence étrange, que la noble demoiselle appelait « un clavecin ». Il ressemblait à une bière plus qu’à toute autre chose, — et en effet, n’ayant pas été ouvert depuis tant d’années, il devait renfermer pas mal de musique morte faute d’air.

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