La Foire aux vanités (Vanity Fair) – William Makepeace Thackeray

Au début de ce roman anglais de Thackeray (1811 – 1863), Miss Amélia Sedley et miss Rebecca Sharp quittent ensemble le pensionnat de jeunes filles où elles étaient avec d’autres jeunes filles, miss Swartz, miss Crump, miss Hopkins…

Rebecca et Amélia sont des personnages importants du roman et on les retrouve ici, au début du livre (chapitre 2).

Juste avant ce passage, Rebecca, au moment de quitter le pensionnat, a « fourni l’occasion de mettre ses ennemis dans l’embarras et de les couvrir de confusion ».  

… et cela me fait aimer le français. Vive la France ! vive l’Empereur ! vive Bonaparte !

– Ô Rebecca, Rebecca, quelle honte ! » s’écria miss Sedley, car c’était le plus grand blasphème qui pût sortir de la bouche de Rebecca.

Dire alors en Angleterre : « Longue vie à Bonaparte ! » était comme si l’on eût dit : « Longue vie à Lucifer ! »

« Pouvez-vous bien avoir ces mauvaises pensées de vengeance et de haine ?

– Si la vengeance est une mauvaise pensée, elle est au moins naturelle, repartit Rebecca, et je ne suis pas un ange. »

Elle ne mentait pas.

On a pu, en effet, remarquer que, dans cette conversation, miss Sharp a eu deux fois l’occasion de remercier le ciel ; la première pour l’avoir délivrée de personnes qu’elle détestait, et, en second lieu, pour lui avoir fourni l’occasion de mettre ses ennemis dans l’embarras et de les couvrir de confusion. Ce ne sont pas là des motifs bien légitimes de reconnaissance envers le ciel, ni de ceux qui peuvent venir à l’esprit de personnes d’un caractère doux et bienveillant.

Miss Rebecca n’avait rien de doux ni de bienveillant dans le caractère. Tout le monde en usait mal avec elle, disait cette jeune misanthrope (il vaut mieux dire misogyne, car, pour le sexe masculin, on peut déclarer qu’elle en avait encore fort peu l’expérience) ; tout le monde en usait mal à son égard, disait-elle ; cependant nous sommes disposés à croire que ces personnes de l’un ou de l’autre sexe qui sont les victimes de tout le monde n’ont en général que ce qu’elles méritent. Le monde est un miroir qui renvoie à chacun ses propres traits ; si vous froncez le sourcil en le regardant, il vous jette un coup d’œil renfrogné. Riez, au contraire, avec lui, et il se montrera bon compagnon. Avis à vous, jeunes gens, pour régler votre choix. Si on négligeait miss Sharp, c’est qu’elle était connue pour n’avoir jamais rendu service à personne ; on ne peut pas trouver vingt-quatre jeunes demoiselles toutes aussi aimables que l’héroïne de ce roman, miss Sedley, choisie précisément par nous comme la mieux douée de toutes ; autrement rien au monde ne nous eût empêché de mettre à sa place miss Swartz ou miss Crump, ou miss Hopkins ; on aurait eu tort d’espérer rencontrer chez tout le monde le caractère doux et aimable de miss Amélia Sedley, et cette bonne volonté à vaincre en toute circonstance les brusqueries et les rebuts de Rebecca.

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