Gatsby le magnifique – Francis Scott Fitzgerald

Le narrateur, Carraway, issu d’une famille de la région du Midwest, est parti travailler à New-York et c’est là notamment qu’il a rencontré Gatsby, le personnage principal du roman…

Un de mes souvenirs les plus vivants est celui de mes retours dans l’Ouest au sortir du collège, et plus tard de l’Université, aux vacances de Noël. Ceux qui allaient plus loin que Chicago se rassemblaient dans l’obscure gare de l’Union à six heures, un soir de décembre, avec quelques amis de Chicago, déjà pris par leurs gaietés de fête, pour leur dire un adieu rapide. Je me souviens des fourrures des jeunes filles qui revenaient du pensionnat de Miss une Telle ou de Miss Telle autre, et du bavardage à haleines gelées et des mains qui s’agitaient au-dessus des têtes quand nous apercevions des vieilles connaissances, et des rivalités dans les invitations : « Tu vas chez les Ordways ? Les Herseys ? Les Schultzes ? » et les longs tickets verts que tenaient fermement nos mains gantées. Enfin les wagons jaune sale de la ligne de Chicago, Milwaukee et Saint-Paul, l’air aussi joyeux que Noël lui-même, sur la voie, à côté des portillons.
Quand on démarrait dans la nuit d’hiver et que la vraie neige, notre neige, commençait à s’étendre de part et d’autre et à étinceler contre les vitres, que les faibles lumières des petites gares du Wisconsin glissaient sur notre route, l’air tout à coup se faisait invigorant. Nous aspirions profondément en rentrant du wagon-restaurant par les froids vestibules à soufflet, sentant inexprimablement notre densité personnelle dans cette contrée pendant une heure, une heure étrange, avant de nous fondre à nouveau en elle, de nous y incorporer.

C’est ça, mon Middle-West – non le blé, ni les savanes, ni les hameaux perdus, peuplés de Suédois, mais les retours émouvants par les trains de ma jeunesse, et les réverbères dans les rues, et les clochettes des traîneaux dans l’obscurité glacée, et les ombres des couronnes de houx projetées sur la neige par les fenêtres illuminées. Je fais partie de tout cela, un peu grave à cause de la sensation que m’ont laissée ces longs hivers, un peu fier d’avoir grandi dans la maison Carraway dans une ville où, à travers les décades, on continue de désigner les demeures par des noms de famille. Je vois bien maintenant que ce récit a été, tout compte fait, une histoire du Middle-West – Tom et Gatsby, Daisy, Jordan et moi, étions tous originaires du Middle-West. Peut-être chez nous tous un trait faisait défaut, ce qui, subtilement, nous rendait inassimilables à la vie des États de l’Est.

Pour aller plus loin :
Une version au cinéma est assez « fidèle » à l’esprit du livre : Gatsby, le magnifique du metteur en scène Baz Luhrmann avec Léonardo Di Caprio.
Le metteur en scène australien, toujours avec le même acteur, a aussi réalisé Roméo et Juliette de Shakespeare, en version moderne mais avec les textes d’origine.

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